Le cancer dans ma famille — Bob Landry

Au début des années 1960, ma mère a contracté des cancers du sein et du poumon. Durant les périodes où mon père ne pouvait la reconduire, elle devait se rendre par train ou par autobus de l’île du Cap-Breton jusqu’à Halifax pour des radiothérapies et d’autres traitements. Cette radiothérapie était brutale. Après sa mastectomie, on vit apparaître des métastases dans ses poumons. Ses cicatrices de mastectomie n’avaient pas eu le temps de guérir et les nouveaux traitements de radiothérapie détruisirent la peau de sa poitrine. Un jour, alors qu’adolescent, je me comportais de façon égoïste sans me soucier de ce qu’elle endurait, elle devint assez frustrée pour me montrer les tissus brûlés et suppurants de sa poitrine. Je garde encore cette image à l’esprit aujourd’hui.

La santé de ma mère a baissé constamment, au point où il lui a fallu recevoir de l’oxygène à domicile, jusqu’à sa mort en avril 1963. Elle a laissé dans le deuil mon père et cinq enfants. J’étais le plus âgé des cinq, à presque 16 ans. Mon père a écopé de coûteuses factures médicales. Il avait un bon travail à l’époque et a pu acquitter ces milliers de dollars de frais — au moins la moitié de son revenu brut annuel. Je ne sais pas s’il l’a fait de sa poche ou s’est prévalu de l’un des régimes privés d’assurance maladie qui existaient au pays avant que le Canada ne crée son régime universel national de soins de santé au milieu des années 1960, mais les factures furent payées. Bien sûr, les médecins, les hôpitaux, les fabricants d’équipements médicaux et les entreprises pharmaceutiques ne facturaient alors qu’une fraction de ce qu’ils exigeraient aujourd’hui.

Les technologies du cancer et les méthodes de traitement ont beaucoup évolué depuis. Au cours de l’été 2004, à l’âge de 57 ans, on m’a diagnostiqué un cancer de la prostate de stade III. Quand j’ai appris la nouvelle, ce fut comme si on m’avait frappé entre les deux yeux avec un madrier. Mes pensées retournèrent immédiatement aux douleurs que ma mère, mes tantes et mes cousins ??et cousines avaient vécues après leurs diagnostics de cancer, qui conduisirent à leur décès dans les années 1960 et 1970. Ma première réaction fut que je devais extirper le cancer par n’importe quel moyen, même au prix d’une opération immédiate. Mon oncologue de la prostate m’a convaincu que je n’étais pas un bon candidat à cette intervention, en raison du risque de laisser certaines cellules cancéreuses dans le corps, avec une récurrence de la maladie dans les organes voisins.

Mon chirurgien m’a référé au Cross Cancer Institute et je me suis rapidement senti très heureux des soins prodigués par les bonnes personnes travaillant au Cross. Ils ont démarré au quart de tour, m’inscrivant immédiatement à 7,5 semaines de radiothérapie et 2,5 années d’hormonothérapie. Nous avons réussi à vaincre ce cancer. Les coûts des traitements hormonaux et de la radiothérapie étaient couverts. À l’époque, je vivais à St. Albert et travaillais à 30 minutes de voiture, au centre-ville d’Edmonton?; j’ai donc pu me rendre seul aux séances de traitement. Il ne m’en a coûté que les frais d’essence et de stationnement.

Je ne parlerai pas des décès par cancer de plusieurs tantes, cousins ??et cousines et autres parents et connaissances, à une exception près : il y a quelques années, ma plus jeune sœur a remarqué une bosse à l’un de ses seins. Elle a subi une double mastectomie et une chimiothérapie au Centre de cancérologie de l’Hôpital d’Ottawa. Depuis, elle s’est bien rétablie et jouit de la vie au maximum avec son mari. En ce qui concerne les coûts des médicaments, le régime ontarien d’assurance maladie et le plan médical de ma sœur en tant que fonctionnaire fédérale à la retraite ont couvert les principales dépenses.

Le 8 mai 2014, j’ai subi une attaque. Cela ne m’était jamais arrivé et cela ne s’est pas reproduit depuis. Une tomodensitométrie à l’hôpital Sturgeon de St. Albert a révélé une ombre dans mon cerveau?; une IRM ultérieure pratiquée au Cross a confirmé la présence d’une tumeur. Heureusement, c’était dans un domaine relativement inactif de mon cerveau. Le 29 mai — jour de mes 67 ans  —, on m’a fait une biopsie du cerveau, puis prescrit des médicaments anti-convulsions et dit de ne pas conduire. Notre ancienne maison avait été vendue et nous avions prévu un déménagement quelques mois avant la crise. En juin, trois jours avant mon déménagement dans une nouvelle résidence, la biopsie a confirmé que j’avais une tumeur cancéreuse de niveau III.

Malgré l’aspect inquiétant de ce diagnostic, j’ai tiré un certain confort du fait que le cancer avait été pris au début, et que je savais trouver au Cross les meilleurs soins disponibles. En juillet et août 2014, un oncologue radiologiste et son équipe du Cross m’ont administré six semaines de radiothérapie, au rythme de cinq jours par semaine. L’oncologue chimiothérapeute a géré 43 doses quotidiennes consécutives de chimiothérapie orale, en même temps que la radiothérapie, sept jours par semaine. Puis, j’eus droit à deux mois de pause dans les traitements. Vint ensuite un régime de doses de chimiothérapie plus fortes pendant les cinq premiers jours de six cycles de 28 jours. Des analyses sanguines périodiques indiquèrent que les plaquettes se rétablissaient après chaque cycle. En janvier et mars 2015, des IRM ont confirmé que la tumeur répondait légèrement aux traitements. Je n’ai subi aucune attaque depuis.

On m’a ensuite inscrit à des 7e et 8e cycles de chimiothérapie, après quoi nous réévaluerions mes réactions. Le 1er juin 2015, une IRM a démontré que la tumeur avait régressé. J’ai rencontré l’oncologue le 4 juin et nous avons convenu que, puisque la tumeur répondait bien à la chimiothérapie, je continuerais avec quatre autres cycles de chimio par voie orale pour un total de douze, jusqu’au début de septembre 2015.

Mon expérience auprès du personnel compétent et expérimenté du Cross est la preuve de leur talent. Je peux accéder aux services et aux médicaments dont j’ai besoin sans étirer outre mesure mes maigres ressources. La pharmacie du Cross me fournit la chimiothérapie dont j’ai besoin. Mon régime médical de retraité de la fonction publique fédérale, mon régime de la Croix-Bleue des aînés albertains et le régime d’assurance médicale de mon épouse suffisent à défrayer mes médicaments anticonvulsifs et autres. Il ne me reste à payer que mes frais d’essence, de stationnement et de préparation de mes formulaires médicaux. J’ai obtenu du ministère albertain des Transports la permission de conduire à nouveau. À ce titre, je considère que ma sœur et moi avons profité grandement de l’accès à d’excellents plans de soins de santé en tant qu’employés et citoyens du Canada et des provinces de l’Ontario et de l’Alberta.

À chacun de ces deux épisodes, je n’ai ressenti aucun effet secondaire grave, mais simplement de la fatigue et un besoin de siestes. Sinon, la vie s’est poursuivie normalement. Il se peut que je sois l’exception à la règle en ce sens qu’après le choc initial de 2004, j’ai traité ces deux cancers comme une réalité et avec beaucoup d’optimisme. Beaucoup de gens qui connaissent mon histoire me disent que cette vision positive m’a servi d’atout pour traverser sans encombre mes phases de traitement. J’ai bénéficié de beaucoup de soutien de la part des trois générations de ma famille. Même si je suis à la retraite, mes ex-collègues continuent à m’apporter un soutien moral. Je partage également une communauté Facebook avec des gens issus de l’île du Cap-Breton, où je suis né et j’ai grandi?; ils et elles continuent à m’encourager dans mon itinéraire. J’aborde le reste de ma vie avec un grand optimisme. Je sais qu’il ne me reste pas beaucoup d’années à vivre, mais ça va.

Par contre, je suis préoccupé par les appels constants à une réduction des impôts que propagent des idéologues conservateurs, sans objections de la part de nos médias et nos politiciens. Je trouve aussi inquiétants la diminution des recettes fiscales, le financement de plus en plus étriqué des soins de santé aux échelons fédéral et provinciaux, et les coûts croissants facturés par les fabricants d’équipement et les sociétés pharmaceutiques pour développer de nouveaux équipements et médicaments. Quand je constate la privatisation rampante de notre système de soins de santé et la transition d’un système de soins de santé universels à une politique qui abandonne les gens à eux-mêmes, je m’inquiète de l’avenir que nos enfants et petits-enfants devront affronter.

Edmonton (Alberta)