Survivre et prospérer — Suzanne Doré

C’est un itinéraire inhabituel qui a mené à mon diagnostic d’un cancer avancé de l’intestin. Six mois avant cette nouvelle, notre monde s’était effondré. Notre fils Sam, âgé de 13 ans à l’époque, avait reçu un diagnostic de carcinome nasopharyngé avancé. Ce type de cancer est très rare chez les adultes en Occident, et il l’est encore plus pour les jeunes. Il se développe dans le nasopharynx, une cavité située derrière votre nez et votre gorge.

Sam a rapidement été envoyé à Londres pour être traité par un médecin exceptionnel aux hôpitaux du London University College. Il nous a expliqué la condition de Sam et le plan de traitement envisagé.

Lorsque vous entendez le mot «?inopérable?», cela envahit votre cerveau et y crée de la confusion.

«?Bien sûr que c’est inopérable?», vous dit votre esprit rationnel. «?Ce n’est pas comme si on pouvait soulever son visage, enlever la tumeur et le réassembler, n’est-ce pas???»

Heureusement inopérable ne signifie pas impossible à traiter.

Il y a d’abord eu la chimiothérapie, puis la radiothérapie et l’immunothérapie. Le parcours de Sam a été long et pénible, mais il a lutté pour reprendre goût à la vie de façon stoïque et farouche, sans mélodrame ni hystérie.

Cela nous amène au jour où j’ai été à mon tour diagnostiquée, six mois après Sam. Il était seulement à mi-chemin de son traitement quand j’ai contracté un cancer non apparenté, d’un type complètement différent. Je présentais moi aussi un cancer avancé, en raison d’un diagnostic tardif.

Les mots «?cancer de l’intestin?» m’ont fait l’impression d’un coup de pelle au visage, malgré la présence de signes avant-coureurs. En rétrospective, j’avais longtemps présenté des symptômes de cancer de l’intestin, mais plusieurs médecins m’avaient assurée qu’il s’agissait seulement d’un syndrome de l’intestin irritable (SII). Comme je me sentais tellement malade depuis si longtemps, j’avais peur de n’avoir aucune chance de survivre.

Je me souviendrai toujours du jour où le consultant m’a expliqué ce qui n’allait pas et ce qu’il me faudrait faire pour survivre. Il a dit que j’aurais besoin d’une chimio et d’une radiothérapie, ce que j’avais prévu, mais il m’a ensuite dit qu’il me faudrait subir une résection abdomino-périnéale (AP), entraînant une colostomie permanente. Il s’agit d’une opération dans laquelle une partie de l’intestin est détournée vers une ouverture aménagée dans la paroi de l’abdomen pour contourner la section endommagée. Cette nouvelle m’a mise en état de choc, m’horrifiant jusqu’à la nausée. J’étais alors convaincue que je ne quitterais plus jamais la maison ou ne verrais plus jamais mes amies. À ce stade, je voulais me cacher pour toujours.

Mon mari Chris, mon fils Sam, et mon plus jeune fils Ben m’ont accompagnée tout au long de ce trajet, me soutenant, m’aimant et me donnant de l’espoir. Ils ont été là pour m’aider à conserver le moral. De plus, Sam avait été si calme et serein durant son traitement que je ne pouvais tout de même pas me mettre à hurler comme une perdue, même si c’était ce dont j’avais envie.

Je me suis pliée à une routine après le début de la chimio et de la radiothérapie, et même si l’épuisement et les nausées rendaient cela difficile, la douleur a diminué avec la réduction de la tumeur. J’avais à la fois l’impression de me sentir mieux, en même temps que celle d’aller plus mal en raison des effets secondaires des traitements. C’était un sentiment assez étrange.

Une fois la chimio et la radiothérapie terminées, j’ai dû attendre quatre semaines jusqu’au jour de mon opération. Pendant ce temps, je me suis beaucoup inquiétée de ce qu’allait être la vie après l’intervention.

Avance rapide jusqu’à mon réveil après l’opération. J’ai regardé le sac transparent de colostomie que m’avait posé le chirurgien. Quand j’ai vu ma stomie (un orifice pratiqué dans l’estomac pour détourner la matière fécale des intestins), j’ai ressenti une poussée d’émotion, d’affection, si vous voulez, pour cette petite boule rose qui allait me donner accès à une longue et heureuse vie. C’était absolument le contraire de la réaction à laquelle je m’étais attendue.

Aujourd’hui, j’aime ma vie à un degré que je n’aurais pas pu prévoir avant mon diagnostic. Non seulement je vois mes amis régulièrement, mais je n’ai jamais autant voyagé de ma vie qu’après mon opération. Pour dire les choses simplement, je prends mon sac et j’y vais.

La vie est faite pour être vécue. Je célèbre tous les jours le fait d’avoir bénéficié d’une deuxième chance : je me sens incroyablement fortunée de ne jamais avoir vécu de dépression liée à ma situation. Mon rétablissement n’a jamais été garanti, pas plus que celui de Sam. Mais nous voilà ici, sept ans plus tard. Nous avons à la fois de la chance et beaucoup de reconnaissance d’être en vie.

J’ai commencé à rédiger mon blogue parce que j’ai trouvé des moyens de m’adapter à la présence dans ma vie d’un sac de colostomie et je pensais que mes expériences pourraient aider d’autres personnes à contourner le processus d’essais et d’erreurs qu’il m’a fallu pour atteindre cette étape.

Cependant, je n’aurais jamais la présomption de dire à quiconque comment l’on doit se sentir face à un diagnostic semblable. C’est bien sûr impossible. Tout ce que je peux faire dans mon blogue, c’est témoigner que ma vie est aussi agréable maintenant qu’avant mes traitements et mon opération. Elle est peut-être même encore meilleure?!

Avant mon diagnostic, j’ai été très malade durant plusieurs années de ce qu’on m’avait amenée à considérer comme un SII. Mon monde était devenu très restreint et confiné parce que je n’étais tout simplement pas à l’aise si j’étais trop éloignée d’une salle de toilette?; j’avais constamment peur d’un accident. De nos jours, je n’ai pas cette inquiétude. Cela m’a rendu la vie plus facile à bien des égards. Bien sûr, cela aurait été mieux si mon cancer de l’intestin avait été détecté et diagnostiqué plus tôt, mais c’est la vie. Et je suis heureuse comme cela.

Je raconte mon histoire pour vous aider à envisager votre situation selon un nouvel éclairage positif.

Les stomies changent la vie, mais le changement n’aggrave pas nécessairement les choses. Ma vie est bien meilleure maintenant, et je suis plus confiante face à mon corps aujourd’hui que je ne l’étais auparavant. Je le perçois non seulement pour ses qualités esthétiques, mais aussi pour sa capacité à guérir. C’est un sentiment très habilitant.

Plus que tout le reste, je suis heureuse d’être toujours là avec mes beaux garçons et mon mari. C’est un privilège de ne pas seulement être en vie, mais aussi d’aimer la vie.

Pour en savoir plus sur moi et sur mon itinéraire, veuillez rendre visite à mon blogue : http://www.gladragsandbags.org/