Le 14 août 2020
Il est difficile d’imaginer un pire moment pour souffrir d’un cancer du poumon que pendant une pandémie mondiale. Cette situation fournit plusieurs sources d’anxiété : les patients atteints du cancer du poumon s’inquiètent d’être vulnérables aux infections, de tomber gravement malades s’ils contractent la COVID-19, et de risquer d’être infectés dans des lieux comme les hôpitaux. Le sondage récent du Réseau canadien des survivants du cancer offre une perspective sur la situation du point de vue des patients atteints du cancer et des proches aidants en montrant l’impact psychologique sur les patients atteints du cancer du poumon et sur leurs proches aidants dans tout le Canada.
Un répondant atteint du cancer du poumon de stade 4 a écrit que sa plus grande crainte était « de contracter le virus. Ce serait la fin pour moi. Je ne mérite pas d’être soigné parce que le cancer finira par m’emporter de toute façon. Je suis en sursis maintenant! »
Le sondage auprès de 1243 patients atteints du cancer, de proches aidants et de patients qui attendent un diagnostic a été mené par la firme Léger pour le Réseau canadien des survivants du cancer à la fin de mai et au début de juin. On a demandé aux répondants comment la pandémie de COVID-19 avait affecté leurs soins oncologiques (ou ceux de la personne dont ils s’occupent) et sur les craintes et les préoccupations liées à leurs soins oncologiques que la pandémie avait causées.
Parmi les répondants, huit pour cent de patients interrogés ont un cancer du poumon, et environ 1 proche aidant sur 5 s’occupe d’une personne atteinte d’un cancer du poumon. (Beaucoup d’entre eux ont également d’autres formes de cancer.)
La peur de contracter la COVID-19 et le sentiment de grande vulnérabilité étaient communs parmi les réponses des patients atteints du cancer du poumon et des proches aidants. Environ un tiers d’entre eux ont exprimé leur inquiétude de contracter la COVID-19. Parmi eux, environ un quart s’inquiétaient spécifiquement de mourir (ou que leur proche meure) à cause du virus. Ce sont les patients de stade 4 et leurs proches aidants qui ont exprimé ces craintes le plus souvent.
« Je crains que mon mari ou moi-même contractions le virus de la COVID-19, parce que mon mari pourrait ne pas survivre en raison de son état de santé, » a écrit une proche aidante en Colombie-Britannique, qui s’occupe de son mari, qui atteint de plusieurs cancers, dont le cancer du poumon.
« Tous les soucis, les douleurs, les heures et les efforts pour se rétablir pourraient s’avérer vains s’il tombe malade de la COVID. »
Les préoccupations des patients atteints du cancer et des proches aidants sont ancrées dans la réalité. Les patients atteints du cancer du poumon qui contractent la COVID-19 sont plus susceptibles de souffrir d’une forme plus grave de la maladie et d’en mourir—par rapport aux patients atteints d’autres types de cancer et comparés à la population globale.
Le Consortium de la COVID-19 et du cancer (CCC-19) (lien disponible en anglais seulement) a trouvé que ce sont les patients atteints du cancer du poumon qui ont le plus haut taux de morbidité de tous les patients atteints du cancer qui contractent la COVID-19, à 26 % – comparé à 16 % pour l’ensemble des patients atteints du cancer (pour une durée de suivi moyenne de 30 jours). Le Consortium de la COVID-19 et du cancer obtient ses données de 114 institutions participantes.
Une étude, publiée en juin, impliquant 102 patients atteints du cancer du poumon (lien disponible en anglais seulement) et qui ont reçu un test positif à la COVID-19, a abouti à un résultat semblable : parmi les patients étudiés, 25% sont décédés au cours de la période d’étude. Les caractéristiques spécifiques du cancer ne semblaient pas affecter la gravité de la COVID-19, mais d’autres caractéristiques préexistantes le faisaient — comme les antécédents de tabagisme et l’hypertension.
Une autre source d’anxiété pour plusieurs patients et proches aidants est leur plus grande vulnérabilité à l’infection parce qu’ils ont un système immunitaire affaibli. Un système immunitaire affaibli est le résultat de la chimiothérapie, ou de l’absence de traitement contre le cancer qui est immunosuppresseur. Ce risque n’est pas spécifique au cancer du poumon, mais il amplifie les autres craintes des patients atteints de ce type du cancer.
De nombreux patients demeurent dépendants des rendez-vous en personne pour subir des traitements et des tests. Pour certains patients et leurs proches aidants, ces rendez-vous sont une source d’anxiété parce qu’ils sont des points de contact possibles avec le virus—surtout si eux-mêmes ou la personne dont ils s’occupent est plus âgée. Un proche aidant pour un patient atteint du cancer du poumon en Ontario a écrit : « J’ai peur que [ma mère contracte] le coronavirus et le transmette à mon père, qui a 80 ans. Elle a dû aller à un hôpital fort achalandé pour des scintigrammes actualisés et même si elle a dit que c’était très bien géré, c’est toujours inquiétant. » En général, les répondants étaient beaucoup plus soucieux d’obtenir les soins dont ils avaient besoin que d’éviter les hôpitaux pour éviter le virus. Pour tous les patients interrogés (ces données ne sont pas divisées selon le type de cancer), 51pour cent étaient inquiets à l’idée de recevoir des soins d’urgence pendant la pandémie, et 12 pour cent ont évité d’aller aux urgences pour des symptômes liés au cancer, par peur de contracter la COVID-19. Les proches aidants étaient plus préoccupés sur les deux plans : 72 pour cent étaient inquiets à l’idée d’amener la personne dont ils s’occupent aux urgences, et 26 % ont évité de s’y rendre pour des symptômes liés au cancer.
Ces deux préoccupations ne s’excluent toutefois pas mutuellement ; cependant, de nombreux répondants ont exprimé les deux. Comme un proche aidant ontarien l’a expliqué au sujet d’un patient atteint du cancer du sein et de la prostate, « Je m’inquiète pour [la personne dont je m’occupe] lorsqu’elle se rend à ses rendez-vous, mais je m’inquiète aussi de manquer des rendez-vous. Il doit y avoir un moyen de fournir des soins et, en même temps, de prendre des mesures supplémentaires pour minimiser tout risque de transmission de la COVID-19. »
Toutes ces craintes peuvent conduire à une énorme quantité de stress. Le proche aidant d’un patient en Nouvelle-Écosse atteint du cancer du rein et du poumon a dit qu’il était « déjà soumis à un stress extrême en fournissant des soins primaires à mon proche ; nous vivons tous les deux avec un diagnostic terminal ; l’effet surréaliste supplémentaire de la COVID a aggravé chaque aspect d’une situation qui est déjà difficile. » Les patients atteints du cancer du poumon et les proches aidants—comme tous ceux qui sont vulnérables à l’infection et ont besoin de soins médicaux—exigent de l’assurance concrète des autorités de santé et de leurs médecins que leurs besoins et leurs préoccupations soient pris en compte et que leur accès sécuritaire au traitement soit préservé avec soin.