Se conformer aux nouvelles directives sur l’alcool, un combat délicat

Les récentes lignes directrices du Centre Canadien sur les Dépendances et l’Usage de Substances (CCDUS) ont certainement suscité la controverse.

Les nouvelles directives, publiées le mois dernier, étaient catégoriques : aucune quantité d’alcool ne peut être consommée sans risques. Au mieux, pas plus de deux verres doivent être consommés par semaine. Rien d’autre n’augmenterait le risque de maladie cardiaque, d’accident vasculaire cérébral et, bien sûr, de cancer que l’alcool.

Le lien entre l’alcool et le cancer a été bien documenté, étant l’une des principales causes des cancers du sein, du côlon, de la gorge et de la tête et du cou. L’alcool est répertorié par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme cancérogène de classe 1, la même classification que le tabac. Globalement, il est facile de voir les problèmes causés par la consommation d’alcool. Une étude de l’OMS de 2014 indique qu’il est responsable de près de 6 % des décès dans le monde. Cela comprend non seulement les maladies causées par la consommation d’alcool, mais aussi les suicides, les chutes, les noyades, les collisions routières et la violence qui y sont associées.

Comme pour beaucoup de choses, ces risques pour la santé ont augmenté en raison de la pandémie. Les décès liés à l’alcool ont augmenté de 40% selon Santé Canada. Les sentiments d’isolement, de dépression et de désespoir poussent souvent les gens à se tourner vers l’alcool et sont aggravés par d’autres facteurs sociétaux. L’alcool étant une substance addictive, trouver un traitement est difficile. La stigmatisation entourant l’alcoolisme est également un facteur qui fait que ceux qui ont besoin d’aide n’en demandent pas.

C’est pour cette raison que le calendrier de ces nouvelles lignes directrices est mal choisi.

Lorsque la dépendance est à son plus haut, lorsque la pandémie continue de causer des problèmes et que l’appétit du public pour être averti des risques pour la santé est au plus bas, ces directives risquent fort de ne pas atteindre ceux qui en ont le plus besoin. Sans oublier que l’alcool est bien ancré dans notre société: il est si facilement accessible, si facile à surconsommer, et souvent la consommation est encouragée à plusieurs niveaux. C’est si profondément imbriqué dans la vie publique, qu’entendre dire que c’est très nocif fait que l’avertissement tombe facilement dans l’oreille d’un sourd.

Considérons ce qui constitue « un verre ». En règle générale, un verre est considérée comme un verre de bière, un verre de vin ou un verre de spiritueux ou d’alcool fort. Selon Santé Canada, la consommation standard d’un verre est de 17,05 millilitres d’alcool pur, soit 341 millilitres de bière ou de cidre à 5% d’alcool, 142 millilitres de vin à 12 % d’alcool ou 43 millilitres d’alcool distillé à 40%.

Si vous jetez un coup d’œil aux boissons dans n’importe quel magasin au Canada, vous remarquerez que ces chiffres ne sont pas uniformes à tous les niveaux. Considérez que de nombreuses bières sont maintenant vendues dans des canettes « tallboy » de 500 ml. Chacun de ces derniers constitue deux verres standards, et selon le CCDUS, ceci serait votre limite de consommation si vous voulez éviter le cancer. Et c’est là que la quantité est étiqueté et mesuré. Dans les restaurants et les bars, la mesure de la quantité n’est pas toujours uniforme.

Il est facile de comprendre pourquoi ces nouvelles directives peuvent être ignorées.

Pourtant, on espère que l’éducation contribuera à amener les gens à boire moins. Le récent appel pour l’imposition d’étiquettes de cancer sur les bouteilles d’alcool a amené certains à se rappeler la poussée similaire faite avec les cigarettes. Cette poussée a vu la consommation de cigarettes chuter de façon spectaculaire au fil des décennies, d’autant plus que les avertissements sont devenus plus explicites. Cependant, l’usage de la cigarette demeure la principale cause de cancer du poumon au Canada, et la lutte pour réduire le tabagisme n’a été que cahoteuse. Nous ne pouvons que prédire que la pression pour étiqueter l’alcool sera similaire.

Une autre cause d’espoir est générationnelle: les jeunes commencent à rejeter l’alcool. Un rapport de Berenberg Research démontre que la génération Z boit 20% moins que la génération Y (milléniaux), et que la génération Y boit moins que ses homologues de la génération X. Beaucoup invoquent les risques pour la santé associés à l’alcool comme raison de moins boire. Les entreprises en ont pris note, les boissons sans alcool devenant de plus en plus présentes dans les publicités. Espérons que ce changement d’attitude se poursuivra alors que la prochaine génération de consommateurs optera pour des substituts sans alcool.

Au RCSC, nous avons été ouverts sur les risques que des facteurs comme le tabac et l’alcool ont posés. Mais ce faisant, nous sommes également conscients de la stigmatisation des personnes atteintes de certains types de cancer et de l’effet de la pauvreté sur les taux de cancer. Le lien entre l’alcool et la pauvreté est bien documenté, l’un étant le symptôme de l’autre et vice versa. Dire simplement qu’aucun verre n’est sans danger, bien que vrai, n’est d’aucune utilité sans confronter la culture enracinée de la consommation d’alcool et les facteurs sociétaux qui y conduisent.

Bien qu’il soit bienvenu de mettre une étiquette d’avertissement sur l’alcool et d’informer le public de ses risques, nous devons également garder à l’esprit que l’élimination de la consommation d’alcool au nom de la santé est une demande importante pour de nombreuses personnes. Bien que les prochaines étapes au-delà de cela ne soient pas tout à fait claires, une réflexion approfondie sur ce qui vient ensuite pourrait être la clef de résultats plus sains et de la prévention du cancer. Autrement, ces avertissements pourraient simplement être ignorés et le stress que provoque l’alcool sur notre système de santé se poursuivra.

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