Voici ma réponse à votre concernant le financement des soins de santé.
L’attente à tous les niveaux dans le réseau de la santé continue d’être dénoncée par les Québécois. L’actuel gouvernement, comme le précédent, semble incapable d’améliorer la situation. L’accès aux services de santé reste un véritable casse-tête. Mais surtout, le temps pour obtenir un rendez-vous chez un médecin, pour être soigné dans les urgences, pour être opéré ou pour obtenir un diagnostic demeure interminable. Les personnes âgées, les malades chroniques et les autres clientèles vulnérables sont les premières victimes d’un système de santé inefficace qui force les gens à aller aux urgences pour des problèmes de santé mineurs.
Il est temps d’agir véritablement afin que l’attente devienne chose du passé. Malgré toutes les promesses du passé, plus d’un million de patients ont dû attendre en moyenne 17 heures 30 minutes sur une civière aux urgences au cours de l’année 2012-2013. Des patients sont oubliés dans les corridors des hôpitaux, parfois même sans rideaux pour protéger leur intimité. Une telle atteinte à la dignité – malheureusement devenue banale dans le réseau de la santé – n’en demeure pas moins inacceptable. Le problème est pourtant bien connu : l’interminable attente pour voir un médecin découle de l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous médical dans des délais raisonnables pour des soins de santé mineurs.
Cette situation est difficilement justifiable si on considère qu’en 2012, on comptait plus de 8 500 médecins de famille au Québec, soit une proportion de professionnels par habitant qui devrait permettre au Québec de bien servir sa population. Cette proportion d’omnipraticiens représente un ratio supérieur à la moyenne canadienne. Cependant, les décisions gouvernementales et les incitatifs mis en place depuis les vingt dernières années ont contribué à ce que de plus en plus d’omnipraticiens privilégient la pratique en milieu hospitalier à celle d’une médecine familiale de proximité, accessible aux personnes vulnérables ou nécessitant des soins. Il est grand temps de renverser la vapeur.
La Coalition Avenir Québec persiste et signe : le nombre de médecins de famille n’est définitivement pas le problème. C’est plutôt la répartition et l’accessibilité de ces médecins qui est en cause, de même que la répartition des tâches entre les professionnels de la santé. Si le Québec souhaite bénéficier d’un système de santé en mesure de couvrir les besoins de la population dans des délais raisonnables, il doit s’assurer que tous les professionnels de la santé, notamment les infirmières et les pharmaciens, soient mis à contribution à la hauteur de leur capacité. Une réforme en profondeur de la rémunération des médecins s’impose depuis longtemps au Québec.
Ceux-ci sont des travailleurs autonomes payés par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Les trois quarts de leur rétribution se font d’après la méthode de rémunération à l’acte. Ce mode de paiement fait en sorte que le médecin est remboursé par la RAMQ pour chaque service médical dispensé, sans égard à la condition du patient de ce dernier (vulnérable ou en bonne santé). Or, plusieurs effets pervers sont liés à ce type de paiement.
En effet, il ne contribue pas à réduire l’attente pour voir un médecin. Celui-ci n’est pas incité à offrir l’intégralité des soins et à prendre en charge de nouveaux patients présentant des conditions de santé défavorables. Le système actuel favorise au contraire la multiplication des actes, par exemple les bilans de santé annuels de patient dont l’état de santé est stable. De plus, la rémunération à l’acte n’encourage pas le partage des tâches avec d’autres professionnels de la santé.
Pour être rémunéré, le médecin doit être celui qui donne le soin. Il ne peut déléguer sa tâche à quelqu’un d’autre. En modifiant le mode de rémunération des médecins, il sera possible de faire en sorte que les personnes malades puissent davantage voir leur médecin dans des délais acceptables lorsque leur état de santé le requiert, en plus de favoriser une meilleure répartition des tâches. Actuellement, 4 % de la rémunération des médecins est effectuée par forfait (capitation), c’est-à-dire qu’un montant fixe est donné au médecin pour chaque patient inscrit. En échange de ce paiement, le médecin est responsable de prodiguer tous les soins de médecine générale (non spécialisés) au patient. Dans un système de paiement par forfait, le médecin serait davantage incité à fournir des soins de qualité au patient, sans compter que le paiement par forfait favorise une prise en charge d’un plus grand nombre de patients.
Actuellement, le système de santé gravite autour de l’hôpital. Les patients sans médecins de famille et ceux qui ne peuvent les consulter doivent y aller pour recevoir des soins, sans compter les nombreuses activités qui y sont centralisées. L’importance des centres hospitaliers n’est donc pas négligeable dans le réseau québécois. Néanmoins, pour remédier à l’attente et à la congestion, il faut remettre les soins primaires au centre du système. En effet, lorsqu’un patient est suivi par un médecin, sa santé en bénéficie et au final, il en coûte moins cher que s’il avait été hospitalisé. Il faut donc que les omnipraticiens pratiquent davantage en cabinet ou en groupe de médecine de famille (GMF), mais également qu’ils le fassent en accès ouvert.
Les activités médicales particulières (AMP) font en sorte que les jeunes médecins ayant moins de 15 ans d’expérience dans le réseau de la santé doivent effectuer 12 heures de travail dans les hôpitaux sous peine de voir leur salaire réduit de 30 %. Cette mesure, qui devait être temporaire lors de son instauration en réponse à des bris de service dans les hôpitaux, est devenue graduellement la norme chez les omnipraticiens. Avec le temps, les AMP en sont venues à faire en sorte de dépouiller la première ligne d’omnipraticiens au profit du milieu hospitalier.
L’accessibilité à un médecin est primordiale pour ceux et celles qui présentent des conditions de santé défavorables. Le suivi et la continuité des soins de santé passent par l’omnipraticien qui pratique dans un cabinet ou dans un GMF et non à l’urgence d’un hôpital. Si nous voulons réellement améliorer l’accès aux médecins pour les plus vulnérables d’entre nous et libérer les urgences de cas non urgents et ainsi réduire l’attente, nous devons prendre des mesures concrètes et imminentes pour ramener les omnipraticiens en cabinet en commençant par abolir graduellement les AMP.
Au niveau de la première ligne, des soins aux ainés et aux personnes en perte d’autonomie, la participation des infirmières devrait être accrue. Celle-ci devrait notamment jouer un rôle clé au sein des groupes de médecine familiale en permettant aux médecins de se concentrer davantage sur les cas problématiques. Cela permettrait une augmentation du volume et de la qualité des soins produits.
Pour désengorger les urgences des cas non urgents et permettre à la population d’avoir accès à un médecin quand elle est malade, il est nécessaire de renforcer les soins de première ligne. À cet égard, non seulement la collaboration entre les médecins et les infirmières est essentielle, mais le modèle de travail et la perception du statut professionnel des infirmières doit changer. Leurs fonctions doivent être davantage reconnues et valorisées. Leurs responsabilités en matière de qualité de soins et de sécurité des patients le justifient amplement.
Enfin, malgré toutes les velléités de réforme, le budget des établissements de santé et de services sociaux québécois est encore actuellement axé sur l’historique de ses dépenses, puis simplement reconduit au fil des ans moyennant certains ajustements. Cette approche est contreproductive. Elle n’incite pas les établissements à améliorer l’accès, la qualité ou l’efficience des soins : plus de services et de patients ne font qu’engendrer plus de dépenses pour l’établissement. Un changement s’impose!
La Coalition entend réviser en profondeur ce mode de financement, qui sera dorénavant établi en fonction du volume de soins dispensés aux patients. Cette mesure assurera l’attribution des ressources budgétaires en fonction des besoins réels de la population, en plus d’encourager l’efficacité des établissements qui auront tout intérêt à augmenter le volume de services rendus à la population. Plutôt que d’être source de dépenses, l’augmentation du nombre de patients traités deviendra source de revenus supplémentaires. Ce mode de financement deviendra ainsi un instrument d’efficience, d’accessibilité et de qualité des soins. Par ailleurs, jouissant d’une plus grande autonomie décisionnelle quant à l’organisation de leurs services et à la façon de les fournir, les établissements seront davantage responsables de leur équilibre budgétaire.
En ce qui concerne votre deuxième question, elle est très intéressante. Je vais la soumettre aux personnes en charge en matière de Santé et nous pourrons vous offrir une réponse claire dans les meilleurs délais. Merci infiniment pour votre intérêt et pour votre dévouement envers la cause.